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Chapitre 2

      Vous êtes un marchand itinérant sur le chemin vers la capitale des Landes de Montbenon.

Après la dure nuit passée à « L’Auberge Du Thylacine Fringuant », vous remontez sur la charrette. Votre fouet gifle l’air d’un coup sec ; et vous voilà déjà reparti sur la route. Il ne doit pas être bien plus tard que l’aube et un léger vent tiède achève de vous réveiller. Gourde et sacoche remplis de nourriture et de boisson, vous vérifiez votre itinéraire sur votre nouvelle carte offerte par Merlin :

« Le chemin le plus logique jusqu’à votre première destination, Vultus, serait de passer par Thylac et de longer la rivière pendant un jour. » vous dites-vous.

Dans la capitale du district Vautour, un navire marchand, vous a-t-on dit, longerait le fleuve.

Vous pourrez enfin profiter de quelques jours de repos dans la plus grande ville marchande de tout Perceval !

Le sourire aux lèvres, vous décochez un regard au loin vers une immense montagne au sud qui semble observer tout le fantastique et féerique panorama des Landes d’un œil protecteur et reculé. Tout autour de vous, les épis de blé, d’orge et de seigle dansent lentement et emplissent vos yeux des couleurs d’une campagne récoltant le soleil de l’été.

 

***

 

En sortant de la forêt séparant l’auberge du premier village, vous découvrez une immense plaine s’étendant du village de Pumas, à quelques kilomètres au nord-est jusqu’à perte de vue au sud.

En brossant l’horizon de votre regard, vous remarquez enfin le petit village de Thylac posé, là, au bord de la luxuriante forêt. Les volutes de fumée venant des petites chaumières de paille viennent se glisser gracieusement dans les cimes des grands sapins à l’orée du bois. Il n’y a pas de route dans ce village, les bicoques ne sont séparées que par de la terre labourée par les pieds nus et les chariots des paysans. Vous descendez et tenez votre canasson par le collier tout en avançant entre les quelques habitations. Sous une fenêtre salie par le temps et la pluie, vous voyez, couché sur le sol, un énorme chat gris-foncé au un ventre blanc. Il se réveil à votre passage et se lève.

Plus surprenant, il se relève sur ses deux petites pattes arrières, vous lance un grand sourire

et part ainsi dans la direction opposée, sûrement pour aller se recoucher plus loin, à l’ombre.

Après cette rencontre plus qu’inhabituelle, vous poursuivez votre quête en vue d’une échoppe ou d’une épicerie capable de vous fournir quelque matériel, mais où vous pourrez surtout revendre une partie de vos marchandises. Les étroites maisons se ressemblant toutes, il est plus que difficile de trouver celle qui abriterait un commerçant.

Pendant votre investigation, un léger bourdonnement vous vient aux oreilles. C’est un son de cloche, régulier et résonnant. Vous relevez la tête, regardants les toits afin de trouver l’église d’où pourrait provenir le doux son. Étonnamment, vous ne percevez pas la pointe de l’édifice.

Vous vous mettez à errer dans le village pendant que les cloches résonnent encore.

Une femme ouvre sa porte et sort sur le palier. C’est une femme forte avec de longs cheveux mêlés en énorme tresse qui vient gratter le bas de son dos. La matrone a dans ses yeux un regard livide, apeuré, presque terrifié. Elle le pointe vers le sud et se bloque, la bouche tombante.

D’autres sortent également et ont tous la vue figée en direction des montagnes, loin au sud.

Toutes ces personnes alarmées ne vous mettent pas en toute confiance.

Les cloches sonnent toujours. Mais d’où provient le son?! Vous portez vos yeux dans la même direction. Vous ne voyez rien. Soudain, un éclair se fracasse dans votre flot de pensées ;

« Lousonna ! » Les cloches ne peuvent venir que de là !

Les paysans baissent tous lentement la tête puis s’en retournent dans les chaumières.

La rue se retrouve à nouveau aussi vide qu’il y a à peine cinq minutes.

Sans chercher à en savoir plus, vous remonter sur votre charrette et donnez une petite claque sur l’arrière du cheval. Vous voilà reparti vers Vultus, espérant plus de succès...

***

 

Après ce qui vous semble être une journée interminable de voyage, vous décidez de vous arrêtez près d’une une petite rivière se séparant en deux ; une branche allant vers le sud-est et l’autre vers l’ouest. Vous désattelez votre monture et allez l’attacher à un arbre non-loin d’une souche qui semble avoir vécu autrement plus de vies qu’un seul autre arbre dans cette forêt.

Elle fait le parfait siège ; assis sur l’herbe, adossé au bois moussu, vous débouchez votre gourde en cuir et laissez couler l’eau fraîche jusqu’à l’ultime goutte. Votre maigre souper se compose d’une large tranche de pain noire au seigle avec un fromage jaune sans odeur. Un repas que vous n’avez eut que trop souvent. Vous soupirez et lâchez à haute voix :

« Eh bien, on est bien parti pour ne manger que ça encore quelques fois… hein ?... » vous vous arrêtez en tournant la tête vers votre fidèle monture posée à côté de vous. Elle semble vous écouter comme jamais qui que ce soit ne l’a fait.

« C’est vrai ça, tu n’a même pas de nom ! Réfléchissons... » vous faites une pause, mine de plonger dans une profonde réflexion.

« Tu te nommeras… Stewball ! » vous lâchez un énorme sourire.

Stewball, détourne la tête, indifférent face à la nouvelle et recommence à mâcher.

Vous vous assoupissez un instant, votre nuque posée sur le haut de la souche. Le lichen forme un divin coussin dont la dureté de la banquette de votre charrette aurait tout à envier. Le soleil n’est plus qu’une légère ombre disparaissant entre les montagnes à l’ouest. Vous sortez la couverture de

la charrette et vous couchez au pieds de la souche.

Vous avez froid.

Votre lent plongeon vers le monde des songes est soudainement interrompu par un croassement venu d’au-dessus de votre tête. Un corbeau, couleur de la nuit, vous observe d’un œil bien-veillant.

Malgré son regard insistant, vous savoir sous sa protection vous rassure. Vous n’êtes donc pas seul dans ces bois.

En un éclair, une tache brun-clair atterri sur la même branche : un grand singe élancé, que vous n’aviez encore jamais vu auparavant, vous lorgne de ses yeux alertes. Vous ne savez pas pourquoi mais vous vous sentez apaisé, intouchable, comme retombant en enfance, jouant et courant en tous sens. La forêt vous protège.

Les deux ombres s’effacent lentement, vous relevez la tête encore engourdie de la longue nuit.

Vous avalez une dernière bouchée de pain comme déjeuner et partez ré-atteler votre monture.

 

***

 

Quelques heures plus tard, vous arrivez devant les portes de Vultus. Jamais une armée ne saurait pénétrer ces murs imposants. Les gardes postés au sommet vous paraissent ridicules par rapport au reste de la muraille.

La lourde porte à double battants est grande ouverte. Dans sa largeur, trois convois marchands pourraient facilement entrer simultanément. Vous avancez, assis sur la banquette de la charrette, sous l’arche lourde et immobile. En entrant dans la ville elle-même, vous semblez voir un tout nouveau soleil, comme si l’astre éclairant la cité n’était pas le même que celui offrant sa chaleur au reste du monde. La porte principale se situant tout en haut de cette fourmilière, vous pouvez voir le port, à un kilomètre en contre-bas.

Un compagnon de votre village natal, marchand bien avant vous, vous avait recommandé, si vous veniez un jour à Vultus, de vous rendre à une certaine auberge à deux pas du port commerçant.

Vous décidez donc d’y passer les quelques nuits où vous resterez en ville.

Après tout, un peu de repos vous fera du bien, en plus d’être hautement mérité.

Vous sillonnez les rues, zigzaguant entre les petits commerces, les vendeurs et les escrocs.

Les routes étant fort pentues, vous allez très lentement, concentré sur le chemin que vous fraient les passants en vous voyant.

Enfin, vous arrivez devant l’établissement. Il arbore fièrement un panneau au-dessus de son entrée : « Chez Bichon ». L’écurie étant collée au bâtiment, vous descendez et tirez votre monture jusque-là. Vous la déchargez de son fardeau et poussez, non sans mal, la charrette dans un coin de l’abri. Fatigué, vous entrez dans l’auberge. Pas un rat… la cheminée est éteinte et une odeur de vieux cuir empli instantanément votre nez.

   « Z’êtes qui vous ? » dit une drôle de voix au fond de la pièce.

Vous voyez à présent le gros bonhomme, assis sur son fauteuil, dans l’ombre. Il a les jambes croisées et ses mains entremêlées posées sur son omniprésente pense.

   « Alors?! z’êtes qui ?! » il ouvre son œil gauche.

« Oh ! Excusez-moi, je croyais que c’était ouvert, serait-il possible de louer une chambre? »

vous êtes légèrement confus.

   « Ouais, ouais... » il soupire « Ça doit s’faire. Mais rev’nez dans une heure ou deux, la cuisine n’est pas encore ouverte. »

« Merci et à toute à l’heure » lui lancez-vous en sortant.

   « C’est ça... » il se rendort.

Vous restez devant l’entrée quelques instants à profiter du soleil de l’après-midi vous réchauffant le visage. Vous vous dites :

« Bien… J’ai où dormir, mais il me faut maintenant déjà penser à mon départ. Allons demander au port. » vous vous mettez en route.

En effet, vous descendez la ruelle d’une dizaine de mètres, vous passez devant l’écurie, et empiétez déjà sur la grande allée du port. Le sol est dallé et le chemin est bordé de pontons en bois où sont amarrés une myriade de bateau tous de taille différente.

A quelque distance de vous, ce trouvent des tas de caisses de marchandises empilées les unes sur les autres, des matelots les portent et les montent sur le navire. Le nom de l’embarcation est écrite en grand, peint en doré sur son flanc : «L’Aquilon».

Vous regardez aux alentours afin de trouver le contre-maître ou le capitaine. Derrière la rambarde, un grand homme regarde, les bras croisés, une pipe en bouche, ses hommes travailler. Vous l’interpellez.

« EH ! C’est vous le capitaine ? » lancez-vous vers lui.

   « Ouais, j’peux vous aider ? »

***

 

Après avoir conclut un marché avec le capitaine, vous retournez lentement sur vos pas pour rentrer à l’auberge. Vous repassez devant l’écurie. Sans-même entrer, vous entendez déjà les cris des marins ivres de joie et sentez l’odeur de la boisson coulant à flots. L’ambiance ne vous plaisant pas, trop bruyante et agitée, vous montez avec votre assiette dans votre chambre et fermez la porte. Vous vous asseyez sur le lit, plus confortable que la fois d’avant.
Le joyeux boucan continue pendant un heure, deux heures. Quand le silence vient, doucement, entrer dans votre chambre comme un prince salvateur, celui du sommeil était déjà depuis bien longtemps venu vous chercher.
Étrangement, vous ne rêvez pas cette fois, tout est noir autour de vous. Pas un son, pas une odeur. Vous tournez sur vous-même et voyez devant au loin apparaître un petit point rouge, il tremble légèrement et un petit vrombissement en provient. Vous essayez de marcher dans sa direction mais… vous n’avancez pas, il se rapproche. Plus il est près, plus il tremble et plus le bruit devient fort. Non, il devient plus précis, vous commencez à discerner des voix humaines, des mots, des appels, des cris ! Au milieu de ces cris, vous entendez une voix qui les surplombe toutes. C’est une voix douce, de femme, une voix presque éthérée.

  « Dépêche-toi, le capitaine part dans très peu de temps. Si tu ne prends pas ce bateau, tu mourras, ici. »
Vous émergez du lit. Les cris sont maintenant tout autour de vous ! Le point rouge n’était que le feu grandissant que vous voyez par la fenêtre !
Ni une ni deux, vous vous emparez de votre sacoche, ouvrez la porte en trombe et dévalez l’escalier, il n’y a plus personne à l’intérieur, ils sont déjà tous sortis.
Sans vous arrêter de courir, vous allez à l’écurie. Vous attelez Stewball à la charrette, la lanière glisse, encore, vous voilà sur la route du port. Vous apercevez L’Aquilon cents mètres plus loin. Vous attrapez le collier du cheval et avancez aussi vite que possible.
Vous faites vite monter la charrette sur le pont et dites au capitaine.
« Que ce passe-t-il ici ?! » dites-vous affolé.
  « Vous n’avez pas encore compris ?! Il y a un dragon qui survole Vultus et qui a lancé des incendies partout en ville ! » il vous répond comme si vous sortiez de nulle-part. « On décampe d’ici les gars ! A la rame ! »
Seulement dix minutes plus tard, vous vous trouvez encore sur le pont, mais le navire est déjà loin de la ville, plusieurs autres embarcations sont proches de la votre, trop peux pourtant pour emporter tout le monde…
Vous lancez un dernier regard à la ruine qu’est en train de devenir Vultus, Les flammes la dévorent de partout, les cloches d’alerte résonnent. Les volutes de fumée, de la largeur de la ville, montent très haut dans la nuit éclairée par les feux, ils forment un énorme nuage qui vous a déjà dépassé. Juste au-dessus de la cathédrale, vous apercevez un point noir qui tremble, non qui vole…

c’est le dragon.

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